•  

    Le mercredi, il y a poney. Il y a orthodontie. Il y a devoirs. Il y a kiné. Il y a jeux dans le jardin. Il y a tennis. Il y a guitare. Il y a conseil des jeunes… Selon les âges des uns et des autres.

     

    C’est un jour plutôt bien, pour les enfants.

     

    Un jour où ils ont le temps d’être autre chose que des élèves.

     

    A l’école, ils doivent autant que faire se peut, avoir une attitude scolaire.

     

    Même si les enseignants donnent le meilleur d’eux-mêmes pour rendre ludiques les mathématiques, pour que l’allemand soit épatant, qu’on puisse se marrer en français…

     

    A l’école, on est un enfant. A l’école on est aussi un élève.

     

     

     

    Le mercredi, ils apprennent autrement.

     

    Ils sont en petits groupes. Ils ont un rapport presque amical avec les animateurs qui ont bien compris que les activités extra-scolaires ne le sont pas… scolaires.

     

     

     

     

    Elles sont quatre.

     

    Une toute grande-grande, sèche. La cheffe de troupe-maman.

     

    Une moyenne-grande. L’aînée. Huit ans tout au plus.

     

    Une moyenne-moyenne. La cadette. Six ans… et encore, sur la pointe des pieds.

     

    Et la petite-petite. La dernière. Trois ans toute mouillée.

     

     

     

    Séance d’essai pour une toute petite qui ne veut pas essayer.

     

    Avant de rentrer sur le court, elle braillait déjà.

     

    Mais elle avait dit qu’elle voulait essayer.

     

    Il y a deux heures.

     

     

     

    Quand c’est décidé, c’est décidé.

     

    Y’a pas à chouiner.

     

     

     

    L’entraineur est bien embêté avec la petite-petite qui se répand en flaques.

     

    Il tente une approche de la grande-grande :

     

    - vous savez, ce n’est peut-être pas le bon moment. On peut essayer. Mais si on insiste trop, elle risque de ne plus jamais vouloir jouer au tennis.

     

    - Elle va jouer. Elle a décidé. C’est elle qui avait envie.

     

     

     

    Alors, elle a poussé la petite-petite vers le court.

     

    - Tu as voulu venir, maintenant, vas-y. Il faut que tu assumes ma fille.

     

     

     

    L’entraineur propose :

     

    - Peut-être que si la moyenne-grande ou si la moyenne-moyenne veut bien venir jouer avec elle, ça sera plus facile.

     

     

     

    Toutes les deux, elles sont d’accord.

     

    Elles s’accroupissent, se mettent à la hauteur de la petite-petite, tendent une balle, la font rebondir :

     

    - Regarde ! C’est rigolo.

     

     

     

    La grande-grande a fermé la porte qui a claqué.

     

    Elle regarde ses trois filles en soupirant derrière la vitre.

     

    Et la petite braille encore plus fort. Elle vire au rouge tomate.

     

    Et les enfants du cours essaient de l’ignorer.

     

     

     

    L’aînée sort du court en soupirant.

     

    - Elle est vraiment pénible.

     

    La grande-grande rentre. Elle articule bien, elle est très ferme. Elle a de l’autorité. Elle veut que tout le monde sache qu’elle ne cède pas devant une petite-petite de trois ans qui fait une crise, un gros caprice.

     

    - Bon. Maintenant ça suffit ! Tu n’es plus un bébé. Tu es grande ! Tu as fait un choix, il faut que tu assumes.

     

    La petite-petite hurle aussi :

     

    - Maaaaamaaaaaaaaan… Resteeeeeeee… Maaaaaaaamaaaaaan.

     

    - je ne m’en vais pas, je te regarde derrière la fenêtre.

     

    Si la phrase avait été dite avec douceur, ça aurait rassurant… Mais la petite-petite comprend bien qu’elle est surveillée derrière la vitre et qu'elle doit jouer au tennis.

     

     

     

    La maman demande à la grande d’y retourner.

     

    Elle prend le même ton sec que sa mère :

     

    - Naaan, mais vraiment, elle est pénible.

     

    - Tu ne discutes pas. Tu y vas.

     

     

     

    La grande-grande regarde ses deux aînées tenter de se dépatouiller avec la petite-petite qui transforme le court en pataugeoire.

     

     

     

    Dans le club house, plus personne n’ose parler. On n’ose à peine respirer. On se dit que si on bouge, on va être punis.

     

     

     

    Alors, la grande-moyenne sort à nouveau.

     

    - Nan, mais moi, je n’en peux plus. Ça va être comme ça toutes les semaines au tennis ?

     

    (et tous les parents du club house ont eu la même pensée : Naaaaaaaaaan… )

     

    - En tous cas, c’est clair, la semaine prochaine, c’est ton père qui va l’accompagner.

     

    - Tu as raison maman, avec lui ça va être bien différent. Lui, il a de l’autorité.

     

    (dans le club house, la température a baissé de 8 degrés. Le père. Pire)

     

    Alors enfin, la grande-grande est entrée dans le court. Elle a attrapé sa fille. Elle a dit :

     

    - Puisque c’est ça, on s’en va.

     

    Et la petite-petite, tiraillée entre sa grande peur et l’envie de faire plaisir à sa mère a hoqueté :

     

    - Je veux rester.

     

    - Pfffff… Certainement pas.

     

     

     

    - Tu as gâché 45 min de mon après-midi. On s’en va !

     

    Elle a ajouté pour l’entraineur : Elle ne fait jamais ça, d’habitude, elle est assez souple. Je crois qu’elle veut affirmer son caractère et si je la laisse faire, c’est elle qui va tout diriger.

     

    - Mouiiii, a dit l’entraineur. Ce n’était peut-être simplement pas le bon moment.

     

    La grand-grande n’a pas entendu.

     

    Dans le club house, on a tous pensé que ce n’était effectivement pas un bon moment.

     

     

     

    Elle est sortie, la petite-petite rouge tomate sous le bras et hurlant toujours, les deux grandes ronchonnant.

     

    Dans le club house, les parents qui étaient restés ont repris leur respiration, on a recommencé à se dire des bêtises et à rigoler…

     

     

     

    Je ne veux pas juger cette maman. On fait ce qu’on peut et parfois on peut peu.

     

    Et puis, je ne sais pas ce qui s’est passé avant. Je ne sais pas si elle a appris une mauvaise nouvelle juste avant… je ne sais pas.

     

    Et surtout, je peux aussi ne pas être terrible comme mère et comme personne tout court, d’ailleurs. J’ai aussi des principes parfois un peu rigides.

     

    Mais elle a réussi à pétrifier six adultes qui attendaient que leurs gosses aient finis de faire les andouilles dans le cours de tennis. Elle a perturbé tout le cours, en fait.

     

    Je le sais, parce que j’ai papoté avec l’entraineur.

     

    C’était la première fois que je restais et j’ai regardé le petit dernier.

     

    Il fait n’importe quoi. Il rigole beaucoup. Mais il prend sa raquette à l’envers, il gambade, il shoote dans les balles, il saute sur un pied, quand le seau de balles est vide, il l’enfile comme un casque et il crie « je ne vois plus rien ». Il ne perturbe pas le cours, il fait la queue comme tout le monde pour frapper la balle qu’il regarde passer à côté de lui. Il la ramasse, la range. En rigolant.

     

    L’entraineur a dit : Il s’amuse ! C’est bien… et mine de rien, en jouant, il apprend des choses en coordination. Et puis, à vrai dire, d’habitude, il fait les exercices un peu mieux, là vue la situation aujourd’hui, aucun des enfants n’a fait « comme d’habitude ».

     

     

     

    Peut-être que le petit dernier, par compassion a tout fait sauf du tennis, pour montrer que ça n’est pas très grave et que personne ne hurle parce qu’il s’amuse plus qu’il ne joue au tennis.

     

    Parce qu’il a quatre ans.

     

    A quatre ans, on est petit.

     

    A quatre ans, on apprend.

     

    A quatre ans, on a le droit de se tromper.

     

    A quatre ans, on n’a pas grand chose à assumer.

     

     

    Allez, love sur vous.

    Je suis sur FB et sur Instagram (presque tous les jours, en fait)

     

    Est-ce une bonne idée que ça soit une grande fille ???

     

     

     

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  • Le mardi midi, chez nous, c'est la course :

    travailler le matin en ayant fait le marché avant. Midi : récupérer les gamins à l'école, 12h15, déposer la benjaminette chez l'orthophoniste, passer à la maison pour que le benjamin ait le temps de manger (oui, avec un TDAH, manger n'est pas toujours simple), récupérer la benjaminette, rentrer, faire manger tout le monde, tâcher de manger aussi et repartir à 13h15 pour être à 13h30 à l'école parce que la benjaminette a APC.

    Le mardi, c'est la course.

    Je mets l'assistance électrique du vélo et je roule.

     

    Sur le chemin de l'école, il y a une grande montée.

    De loin, je l'ai vue.

    Une dame qui roulait tout doucement.

    Elle est rude, la pente.

    Elle était en plein milieu, elle prenait le plus de place possible et comme elle peinait, elle ne roulait pas droit.

    Avec l'assistance, on ne peut pas dire que je peine vraiment.

    J'appuie un peu plus fort sur les pédales en montée et ça roule.

    Je me suis approchée, j'ai ralenti, j'ai bien jaugé les ondulations de son vélo. Droite-gauche-droite-gauche...

    Comme elle se dirigeait vers la droite, j'en ai profité, hop, je suis passée sur sa gauche et roule ma poule, on ne sera peut-être pas en retard à l'école.

    Elle avait un fichu sur la tête, noué sous le menton. Une vieille dame.

     

    Quand je l'ai dépassée, je l'ai entendu dire très distinctement et bien fort à mon encontre :

    - Pfffff... Encore une migrante !

     

    Les gamins, dans mon vélo ont demandé :

    - Elle a dit quoi, la dame ?

    - "encore une migrante"

    - Pourquoi elle a dit ça ?

     

    Alors, là j'avoue que j'ai dû réfléchir un peu. Beaucoup en fait.

     

     

    Il est vrai que je suis née à dans une autre ville. A six kilomètres à vol d'oiseau. Mais une autre ville.

    Est-ce que cette dame a reconnu que je n'étais pas native de cette petite ville ? (d'ailleurs, ils doivent se comptaient sur les doigts de la mains, les natifs de cette ville).

    Serais-je donc étrangère à cette ville qui est la mienne depuis 12 ans maintenant ?

    Ville dans laquelle une partie de mes enfants sont scolarisés, ville où j'habite.

     

     

    Cela me semblait absurde, alors j'ai réfléchi encore.

    Qu'est-ce que cette dame avait voulu dire par son agressif "encore une migrante" ?

    (Tu ne m'en voudras pas Madame, mais afin de te comprendre, je vais te tutoyer. Cela va créer une forme de proximité entre nous)

    Je ne t'ai rien fait, madame. Je ne t'ai même pas frôlée.

    Je t'ai peut-être fait peur parce que tu ne m'as pas vue arriver.

    Et tu ne trouves rien d'autre à dire que "Encore une migrante !"

    Tu avais l'air de tenir là, par ton "encore une migrante" une forme d'insulte ultime.

     

    Tu as peut-être imaginé dans les rouages rouillés de ton cerveau bien à l'abri de ton fichu que j'étais une réfugiée.

    Une réfugiée venue manger ton bon pain bien français.

    C'est moche, mais je crois bien que c'est cela qu'il y avait sous ton sale fichu.

    Une réfugiée qui aura certainement dû fuir sa maison, son pays, sa famille, sa vie, qui a traversé le pire pour espérer survivre et avoir les miettes rassies d'un pain plus très frais.

    Mais toi, madame, sous ton fichu bien abject, les miettes tu préfères très certainement les balancer aux rats plutôt qu'à d'autres humains.

     

    Et pourtant Madame, je t'ai regardée dans mon rétroviseur. Si tu n'as pas l'âge de ceux qui ont connu la guerre, tu n'en es pas loin. On a dû te la raconter encore et encore cette guerre.

    J'aurais pensé qu'il t'en serait resté un soupçon d'empathie, d'humanité.

     

    Sur ton vélo avec ton pantalon venu de Chine, ton pull made in Bangladesh, ton fichu venu directement du Pakistan, tu n'es plus que haine.

    Tu tanguais bien à l'extrême droite en montant cette côte un peu difficile.

    Ton fichu ne te sert très certainement qu'à te faire des œillères qui t'empêchent de voir ce qui reste d'humanité dans ce bas monde. Ton fichu comprime ton cerveau. Quand les idées macèrent, elles finissent par sentir mauvais.

     

    Allez, je vais arrêter de te tutoyer, Madame. Je vais mettre la distance nécessaire et convenable entre vous, vos idées nauséabondes et mes convictions.

     

    J'expliquerais ce soir à mes enfants tout ce qu'il y a d'immonde derrière les mots que vous m'avez balancé tout à l'heure.

     

    Migrant n'est pas une insulte et vous, Madame, vous m'avez fait honte.

    J'ai eu honte d'être aussi française que vous.

     

     

    Love sur vous.

    Je suis sur FB et sur IG

     

    (ah oui ! Je vire tous les com qui ressemblent de près ou de loin à du racisme. En cas d'insulte ou de menaces, je porte plainte. Bisous)

     

     

    Est-ce une bonne idée de doubler une dame à vélo ??

     

     

     

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    6 commentaires



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