• Est-ce une bonne idée de perdre ses amies de vue ?????

    Hier soir, j’ai rangé une partie d’une de mes bibliothèques.

     

    Je cherchais un bouquin de mes années fac… Parce que je suis à nouveau étudiante.

     

    Je n’ai pas trouvé ce que je cherchais. J’ai trouvé autre chose.
    Un livre de contes d’Oscar Wilde, que ma copine, la grande Véro m’avait prêté… du temps de mon DEA. Il y a au moins 15 ans.
    Elle me l’avait prêté, en me disant que je lui rendrais un jour.

     

     

     

    Avec la grande Véro, on s’est rencontrées en FAC de Lettres.

     

    Sur un amphi de 900 personnes, on s’est vite trouvées, vite reconnues.

     

    Quelque part, on avait les mêmes goûts, on se marrait des mêmes choses.

     

    On prenait les cours avec une légèreté apparente.

     

     

     

    Et d’un coup, ce sont mes années fac qui me sont revenues.

     

    La cafèt à l’entrée (quelle idée à la con de mettre la cafèt à l’entrée… une cafèt avec de grandes baies vitrées. Y’a bien des jours où je ne suis pas allée plus loin).

     

     

     

    Les couloirs un peu glauques, enfumés. (Ben oui, à cette époque, tout le monde fumait dans les couloirs, les étudiants, les enseignants).

     

     

     

    On a suivi le même cursus, on a peaufiné ensemble nos imitations du prof de latin et on n’a pas beaucoup révisé nos déclinaisons.

     

    On a aussi travaillé ensemble notre sémantique, notre linguistique, notre phonétique, notre littérature comparée, notre ancien français et même notre patois picard.

     

     

     

    Mais on a aussi passé notre fin de grande adolescence ensemble.

     

    Les soirées dans des hangars improbables, où on ouvrait les bières avec les dents (c’est très con de faire ça… mais quand on est un grand adolescent, on a le droit de faire des trucs cons).

     

    Les maisons laissées par des parents partis en week-end, investies par les potes.
    Les heures de révisions.

     

    Les examens passés ensemble et réussis aussi.

     

    Les doc martens aux pieds, les cheich autour du cou.

     

    Les sandwichs dégueux.

     

    Les carnavals de Bailleul, à mettre de la vodka dans les bouteilles d’eau pour sortir discrètement de chez ses parents.

     

    Et puis, nos histoires d’amour.

     

    Le concert de Noir Désir en 1992. (oh, ça va, hein !)

     

    Les festivals.

     

     

     

    Et nos premiers appart…

     

    Et la vie qui fait qu’on s’est vues de moins en moins.

     

    Et plus du tout.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Parce que certaines amitiés sont faites pour rester là où elles sont.
    Elles durent le temps qu’il faut.

     

     

     

    Et puis, j’ai repris le livre. J’avais promis de le lui rendre.

     

    Et si c’était le moment.

     

    On s’aimait bien, avec la grande Véro. C’était simple. Simple comme un bon rire. Simple comme la grande Véro.

     

     

     

    Alors, j’ai fait ce qu’on fait maintenant quand on cherche quelqu’un.

     

     

     

    Hier soir, j’ai tapé son nom sur internet.

     

     

     

     

     

    J’ai vu. J’ai compris.

     

    Je ne rendrais jamais son livre à la grande Véro.

     

     

     

    Je n’ai trouvé qu’un avis de décès.

     

    Il y a 2 ans et demi, la grande Véro est morte.

     

    Entourée de l’affection de ses proches.

     

    Elle s’était mariée avec son chéri de l’époque.

     

    Elle a eu deux petites filles.
    Et c’est terrible.

     

     

     

    Ça faisait 15 ans que je n’avais pas vu la grande Véro.

     

    Je pensais à elle, de temps en temps. Toujours en souriant.

     

    Hier soir, j’ai pensé à elle, à nous, à nos années fac.
    Et je n’ai pas souri.

     

    Elle avait 38 ans, la grande Véro et pour moi, elle en a 20 pour toujours.

    Ce matin encore, j’en suis toute troublée.

     

    J’ai perdu une copine, ma copine de fac.
    C’est idiot et très égoïste, mais en m’apercevant de sa mort, j’ai l’impression de perdre un petit bout de moi. Un petit bout de ma vie qu’elle a emporté avec elle.
    La grande Véro qui se marrait de tout, en montrant ses dents du bonheur.

     

     

     

    J’aurais très bien pu ne jamais le savoir.

     

    Continuer ma vie.
    Mais voilà.
    Je le sais.

     

    La grande Véro est morte.

     

    Et c’est moche.

     

    Je ne sais pas si on se serait croisées un jour.

     

    Mais ça aurait été peut-être quand même.

     

    Là, ça sera jamais.

     

     

     

     

     

    Je ne lui rendrais jamais son livre.

     

    Sinon, je suis sur FB et on rigole plus souvent qu’on ne pleure…

     

    Est-ce une bonne idée de perdre ces amies de vue ?????

     

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 24 Novembre 2014 à 19:55
    Marianne

    Oh Marion ! Je pleure...

    2
    Christine
    Lundi 24 Novembre 2014 à 20:07

    J'ai connu ça,  je me souviens et je pleure aussi ...

    Je t'embrasse

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    3
    Pat
    Lundi 24 Novembre 2014 à 20:21
    Pat
    Oh mais bordel quelle tristesse.... Je ne m'attendais pas à cette chute......
    J'essayerai donc de retenir ceci
    "Parce que certaines amitiés sont faites pour rester là où elles sont.
    Elles durent le temps qu’il faut."
    Pour essayer de me convaincre que c'est ainsi si certaines amitiés ne sont plus.
    En te lisant je repense à un de mes anciens collègues. Nous sommes restes qqs temps en contact. Et puis le temps passe, on se dit "mais faudrait que je lui envoie un mail qd même" et le temps passe encore. Et un jour on reçoit un mail nous informant qu'il est mort.....
    Et pour ma part, je vis avec des regrets.
    De douces pensées pour toi Marion.
    4
    Lundi 24 Novembre 2014 à 20:33
    Luna Part

    comme je te comprends, j'ai vécu une expérience similaire il y a peu, avec une très bonne copine de lycée et de quelques années après, je ne sais plus pourquoi j'ai cherché son nom sur internet et puis j'ai compris qu'elle avait décidé de partir pour toujours il y a 2 ans... grosse culpabilité derrière pendant plusieurs jours, j'y repense encore. Je ne saurais sans doute jamais pourquoi elle a fait ça et je m'en veux d'avoir laissé les liens se distendre complètement :-(

    5
    co
    Lundi 24 Novembre 2014 à 20:37
    Douces pensées également. Ca me fait penser a la fête de mes 40ans l'année dernière j'ai réinvité des amis puis je n'ai pas ose en rappeler certains et d'autres n'ont pas pu venir(alors que Ca m'aurait fait très plaisir)mais la vie fait que et malheureusement la mort en fait partie...et avec le recul et ma propre expérience les amis d'avant doivent rester ceux d'avant....ceci dit je t'envoie mes meilleurs sentiments de réconfort.
    6
    kichante
    Lundi 24 Novembre 2014 à 22:20

    et bien moi je crois que tu devrais lui rendre son livre a la grande Vero ...

    Envoyer le bouquin et ce texte a ses deux filles ...et peut-etre d'autres souvenirs de ce que tu as partagé avec elle et qu'elle ne pourra pas raconter a ses enfants...

    7
    Lundi 24 Novembre 2014 à 22:51

    J'ai lu ton billet comme je buvais les whisky-coca à l'époque des mes années facs : d'une seule traite (ou presque). Et puis je me suis à braire (moi aussi, le picard, je connais) parce que moi aussi, j'ai connu une grande Véro. Contrairement à toi, nous avons gardé le contact, on se voit à chaque passage de comète mais on s'envoie des mails, on se textote. Elle est un peu la soeur que je n'ai jamais eu et j'ai tellement de souvenirs à se pisser dessus avec elle que je ne pourrais jamais oser en raconter certains à mes enfants. Je suis triste pour toi : la vie c'est con, parfois.

    8
    ann
    Lundi 24 Novembre 2014 à 23:00
    Moi aussi je pense qu'un livre ca peut toujours se rendre, qu'elle serait contente que ses filles le récupèrent et que ses filles ou son chéri de l'époque seraient contents de récupérer un peu de la grande vero. En tout cas ca vaut bien une lettre et ca tombe bien quand on sait écrire et qu'on parle d'années passees en fac de lettre je suis sur qu'on est capable d'expliquer tout ça dans ce genre de lettre que les gens gardent bien précieusement dans une boite a trésor.
    9
    Mardi 25 Novembre 2014 à 07:29
    Mince... ce doit être un choc :(
    Dur pour sa famille. Un livre et un petit mot pour leur raconter comment tu connaissais la grande Véro, ça ne peut que leur faire plaisir.
    10
    Mardi 25 Novembre 2014 à 11:35

    Très touchant et tellement triste. Je déteste passer à côté des personnes, et c'est aussi pour ça que je 'supporte' certaines de mes amies qui sont parfois difficiles à vivre... Tu devrais peut-être l'envoyer à ses filles, ce livre, en leur racontant un peu de la grande Véro de 20 ans que toi tu as connue. 

    11
    sandrinette
    Mardi 25 Novembre 2014 à 14:55
    Très beau ton texte.
    Ma maman est toujours là, mais elle perds la mémoire.
    J'aimerais, j'aurais aimé qu'il y ai quelqu'un, une vielle amie à elle, qui me raconte ma maman, comment elle était, comment elle faisait la fête, comment elle rigolait, juste comment elle était, pour avoirdes souvenirs...
    12
    Mardi 25 Novembre 2014 à 15:03
    Anne

    J'en ai les larmes aux yeux...

    13
    Drinette
    Mardi 25 Novembre 2014 à 16:22

    un beau récit, comme toujours, mais un récit émouvant ! 


    Je pense aussi que tu devrais envoyer ce livre a la famille de la grande Véro, avec ton texte et tes souvenirs, vos souvenirs, peut être que ses filles et son mari serait heureux de lire ça, d'avoir ce livre qui lui a appartenu. 


    bises 


    Drinette/Sand R 

    14
    Laura
    Mercredi 26 Novembre 2014 à 21:27

    Je suis très souvent tes articles, parce que j'adore ta façon de faire passer des émotions. Et ce soir tu y es parvenue si bien que j'ai eu peine à ne pas pleurer. Magnifique récit.

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