• J'avais 28 ans.

    Elle avait quelques heures.

    Elle a fait de moi une mère.

    Elle a fait de moi tout ce qui va avec le concept de parent.

    J'ai connu l’inquiétude, la fierté, la joie, l'impatience...

    Je me suis faite louve, petit souris qui ramasse les premières ratiches, vieux rat.

    On a lu des kilomètres de mots, regardé des tonnes d'illustrations, on a joué des heures.

    Des montagnes ont été gravies, des ruisseaux franchis, du sable a été mangé.

     

    J'avais déjà des fleurs dans les cheveux et un goût certain pour les imprimés improbables.

     

    Elle n'a jamais aimé les robes parce que ça n'est pas pratique pour courir et je ne saurais dire le contraire.

    A 4 ans, elle a fait de l'escalade alors qu'elle était trop petite. Elle n'a jamais renoncé.

    J'avais encore des fleurs dans les cheveux.

     

    A 10 ans, elle est partie un matin à l'école en disant "dans la ville, il n'y a pas de skate parc, il devrait y en avoir un". Elle est revenue le soir avec une pétition signée de cent vingt personnes, des enfants, mais aussi des adultes.

    Elle a ouvert les vœux du maire l'année dernière devant 800 personnes sans ciller, sans bafouiller, sans avoir même le trac. Elle a dit tout son discours.

    J'y étais aussi, j'avais certainement des fleurs dans les cheveux.

     

    Elle est déléguée de sa classe.

    Moi aussi, on se retrouve au conseil.

    J'y vais avec des fleurs dans les cheveux.

     

    Elle siège au conseil d'administration du collège. Elle assiste au conseil de discipline.

    Elle s'est opposée, seule face aux adultes à l'exclusion d'un élève, parce qu'elle trouvait que le raisonnement des adultes inepte. Et elle avait raison. L'élève a été exclu. Elle a pensé que c'était idiot.

     

    Elle a trouvé toute seule son stage de 3ème.

    On lui a proposé plein de pistes.

    Dans un journal ? Chez un avocat qui défend les droits des réfugiés ?

    Dans une compagnie de théâtre ? A la piscine ?

    Chez une créatrice de fleurs dans les cheveux ?

     

    Elle a dit non, non, non et non.

    Elle s'est débrouillée toute seule.

     

    Elle a choisi son stage.

     

    Dans l'armée de terre.

     

    Dans mes cheveux, les fleurs en tissu ont fané.

     

    Elle est partie lundi. Ravie.

    Je n'ai pas trouvé mes barrettes à fleurs.

     

    Elle est revenue enchantée, ravie, comblée.

    Elle monté et démonté un Famas.

    Elle a monté et démonté un pistolet.

    Elle m'a montré les photos d'elle posant avec le fusil d'assaut de 5,56 mm modèle F1 MAS, souriante.

    Elle a 14 ans, elle monte et démonte des fusil d'assaut.

    J'ai 43 ans, je mets des fleurs dans mes cheveux.

    Je suis sa mère.

    Elle est ma fille.

     

    On a beaucoup discuté. De fleurs, de balles, de créations, d'engagement...

    Je lui ai dit que je n'aimais pas son choix.

    Mais que, inconditionnellement, j'étais heureuse de sa joie, j'étais fière de sa détermination.

     

    Être heureuse de la joie de ses enfants, ça doit être ça, être parent, être heureux de la joie de ses enfants.

    Je lui ai donné la vie. Elle l'a prise. Sa vie, pas la mienne. Sa vie à elle seule...

     

    Mardi, je l'ai vu partir, fière d'elle-même, radieuse... La fleur au fusil, en somme.

     

    J'ai cherché dans vieux tiroirs, j'ai retrouvé des fleurs, je l'ai mises dans mes cheveux. Je n'avais rien changé.

     

     

    (nous sommes mercredi, elle est toujours aussi contente de son stage. Elle m'a dit qu'elle ne voulait pas faire ça, mais que c'était quand même un super stage... et je veux bien la croire)

     

    Love sur elle.

    Love sur vous.

    Je suis sur FB et sur IG itou.

     

    Est-ce une bonne idée que ma fille fasse d'autres choix que moi ???

     

     

     

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